des Poèmes

de Baptiste Ossipov

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Bien que

soit réduit à presque rien

séparé en particules

de vérités qu’on articule

s’il fait trop chaud

de plus en plus

le sens s’étiole

en évanescences indécentes

inversant l’essence

luciole s’immolant

étincelle insignifiante

dans le soir du centre-ville

désormais bleu pétrole

le ciel s’annule

la flamme brûle

le ciel s’ennuie

et vient la Nuit

— jusqu’à quand ?


attente

le poème patiente

latente

si la langue donnait tout

alors écrire serait enfantement

un corps en hiver

depuis la froideur me tue

attendre

atteindre

entendre

la lecture de nos voix

grelotte sous le vent

le vin et les écritures

refont le monde


mais les révolutions passées

nous ont rendus patients


l’urgence cathartique a laissé la place

à la paperasse bureaucratique

depuis qu’il ne se passe rien

nous accusons le coup

et nous tuons le temps

bien qu’il soit vain de retenir

ainsi ce qui ne passe pas


la transe s’y essaye

au gré des illuminations


pourtant goutte après goutte

mon existence est distillée

essuyant l’affront

l’émission et sa rémission


en dépit de tout tu plonges en toi-même

miroir mis en abîme

l’océan hors du temps l’univers de ton éveil


tu n’as de cesse tête brûlée

tu désertes l’armée

tu suis dans le désert

les caravanes de la soif


un fragment immense de nuage

occultant la lune s’en irise

un satellite traverse la voie lactée

tu pries


tu as pleinement conscience

de la portée des actes nomades

qui t’établissent entre deux oasis


jour après jour


tu refuses les ordres

infliger le châtiment

au fer rouge de l’autorité

contre vastes luxures


baisser les yeux

n’y pense plus


tu n’es pas seul

la route reprend ses droits


toutefois la peur

est un élément

dont tu dois tenir compte

l’envie qui se décompose

d’autant que tu n’as pas de plan

tu viens à la rencontre

dans l’étonnement

de faire connaissance


comme on se jette à l’eau

au milieu du désert de la soif

tu imites les gestes du Christ

tu lies ton cœur qu’il a élu

la mie au couteau qui l’éventre

tu foules la poussière

et le sable est une rose

qui te couronne d’épines


il fait de plus en plus chaud

qu’importe la croissance est en plein boom

dans un élan conjoint qui réchauffe l’atmosphère

les complexes pétrochimiques élèvent

leur panache de substances asphyxiantes

produisant d’ineptes substrats aux profits

juteux ravageant au passage fleuves et campagnes

pour faire une omelette on doit casser des œufs

malgré la chaleur étouffante de l’été

les mourants sur le bas-côté

les importuns chassés des yeux


jusqu’au dernier souffle tu résistes tête brûlée

aux sirènes suicidaires de la Terre brûlée

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